Politikement
Inkorrekt revient aujourd’hui sur un des acteurs majeurs de l’affaire Mediator
et le rôle central du Ministre de la santé Xavier Bertrand. Nous revoyons les
lecteurs à la cartographie que nous avons dressée précédemment.
Celui qui se surnomme
lui-même « The plouc », celui qui possède moins de diplômes que
François Baroin, moins bien né qu’Hervé Gaymard ou Renaud Dutreil, n’en garde
pas moins une ambition farouche. XB, comme l’appellent ses proches, garde
toujours un œil sur les élections présidentielles de 2017 même s’il renvoie
sèchement tous ceux qui lui posent la question de son avenir politique.
Car dans
l’affaire Mediator, c’est bien de l’avenir politique de XB dont il est
question. L’ancien assureur de mobylettes a pris gout au pouvoir, d’abord à
Saint-Quentin, puis comme cacique de l’UMP, jusqu’au poste de Ministre de la
Santé, lui qui rêvait éventuellement d’un poste de secrétaire d’état. Sa
fidélité à Nicolas Sarkozy n’est pas étrangère à cette ascension fulgurante
pour un homme politique qui ne sort pas de l’ENA mais dont le parcours
politique suit fidèlement celui du Président de la République. Fidèle d’entre
les fidèles, il aurait pu espérer le poste de premier ministre quand il y eut
de l’eau dans le gaz entre Sarkozy et Fillon. Mais il a accepté le rôle ingrat
de secrétaire général de l’UMP à la demande du maître.
« En politique, il n’y a que deux sortes
d’hommes, ceux qui savent faire et ceux qui ne savent pas faire. Où qu’il
passe, à la Santé, au Travail, à l’UMP, XB a toujours laissé les choses en bien
meilleur état qu’il ne les a trouvées ». Cette déclaration ne vient
pas d’un autre hiérarque de l’UMP mais de Michel Bettan, le fidèle lieutenant, aujourd’hui
chez EuroRSCG, pôle santé et dont nous avions consacré une page…
Sauf erreur technique
ou parti pris contraire à la dominance des vents, Xavier Bertrand doit rester
dans la course aux élections de 2017. Mais l’épine s’appelle le Mediator et les
laboratoires Servier. En effet, la responsabilité du Ministre semble particulièrement
engagée dans le renouvellement du médicament en 2006 et bien qu’il s’en
défende… La stratégie consiste donc à attaquer, tout azimut, afin de générer un
épais écran de fumée autour des décisions des différentes agences de santé sous
sa coupe depuis son arrivée aux responsabilités. La finalité de ce travail
d’aveuglement se concrétise dans la loi sur
le médicament définitivement
adoptée le 19 décembre 2011 et dont l’objet central porte sur le périmètre des missions
de l’ANSM (ancienne
AFSSAPS).
Bien que XB ait
quelques incertitudes sur les chiffres des victimes du médicament et que les
médias s’amusent habilement à rendre spectaculaire le banal, le Ministre de la
santé désigne Aquilino
Morelle (homme de
gauche), responsable de l’IGAS, de conduire une étude ultra rapide. Il ne faut
pas perdre de temps et apporter les preuves de la dangerosité du Mediator, même
au risque d’écorner un peu de rigueur scientifique et d’aller contre les avis
des experts mondiaux. Enfin, utiliser tous les acteurs qui peuvent ou doivent
servir la cause « on ne savait pas ! » : le député Bapt,
Irène Frachon, les connivences avec EuroRSCG, la puissance de Sanofi, et même
le docteur très médiatique Jean-Dominique Flaysakier qui aime, bien que
travaillant sur le service public, déclarer son affection pour l’UMP…
Certes, XB
affirme qu’il n’était pas au courant, comme d’ailleurs l’ensemble des ministres
de la santé depuis la mise sur le marché du Mediator en 1976… On s’interrogera
sur cette cruelle amnésie ou ignorance et sur les effets réels ou supposés de
ce médicament antidiabétique transformé, à l’usage, en coupe faim ?
Xavier Bertrand ne manque d’ailleurs
pas d’air, quand il
affirme au Figaro découvrir l’estimation du nombre éventuel de
« victimes » le 15 novembre 2010 et l’existence des laboratoires
Servier, numéro deux français, ainsi que les conflits d’intérêts entre
l’industrie pharmaceutique et les agences de santé… Des chiffres spectaculaires
et médiatiques que XB essaie d’expliquer lorsqu’il est entendu à l’Assemblée
nationale le 15 février 2011.
XB n’est pas le seul à savoir, il faut
le concéder. Aubry,
Kouchner aux affaires en 1998 ne savent rien : « Martine Aubry était ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et
Bernard Kouchner son secrétaire d'Etat à la Santé. Tous les deux étaient en
poste lorsque leur administration se montrait sourde à la mise en garde des
trois médecins. Dans le JDD, l'ex-secrétaire
d'Etat à la Santé affirme n'avoir jamais été alerté sur le cas du Mediator.
Tout comme Martine Aubry: "Je n'ai jamais été au courant. Ni le cabinet de
Bernard Kouchner ni Bernard Kouchner n'étaient au courant [...] Je n'ai aucun
souvenir d'aucune alerte sur le Mediator." »
« Ignorer,
pour un politique, c'est une faute. Un ministre doit être responsable de son
administration, quelle qu'elle soit. Il doit donc être au courant. S'il n'est
pas au courant, c'est qu'il y a une faille dans la transmission », a
déclaré le député UMP Bernard Debré sur Europe 1. On peut y voir aussi une pierre lancée dans
le jardin de Xavier Bertrand, encombrant animal politique qui, à l’époque
menaçait le pré-carré de Sarkozy ? Il est vrai aussi que la défaite de ce
dernier aux présidentielles et son retrait annoncé de la vie politique, laisse
la voie libre aux poids lourds de l’UMP, qui, comme les loups, se déchireront
après les législatives pour savoir qui sera candidat en 2017. Nul ne doute que
XB sera sur les rangs même si ces collègues
aiment le haïr…
On le voit, politique et santé ne font pas bon
ménage car, à l’évidence, les conflits d’intérêts sont nombreux. Intérêts
personnels, bien entendu…
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