lundi 7 mai 2012

Affaire du Mediator, les hommes de l’ombre. Chapitre 6 : Xavier Bertrand




Politikement Inkorrekt revient aujourd’hui sur un des acteurs majeurs de l’affaire Mediator et le rôle central du Ministre de la santé Xavier Bertrand. Nous revoyons les lecteurs à la cartographie que nous avons dressée précédemment.
Celui qui se surnomme lui-même « The plouc », celui qui possède moins de diplômes que François Baroin, moins bien né qu’Hervé Gaymard ou Renaud Dutreil, n’en garde pas moins une ambition farouche. XB, comme l’appellent ses proches, garde toujours un œil sur les élections présidentielles de 2017 même s’il renvoie sèchement tous ceux qui lui posent la question de son avenir politique.
Car dans l’affaire Mediator, c’est bien de l’avenir politique de XB dont il est question. L’ancien assureur de mobylettes a pris gout au pouvoir, d’abord à Saint-Quentin, puis comme cacique de l’UMP, jusqu’au poste de Ministre de la Santé, lui qui rêvait éventuellement d’un poste de secrétaire d’état. Sa fidélité à Nicolas Sarkozy n’est pas étrangère à cette ascension fulgurante pour un homme politique qui ne sort pas de l’ENA mais dont le parcours politique suit fidèlement celui du Président de la République. Fidèle d’entre les fidèles, il aurait pu espérer le poste de premier ministre quand il y eut de l’eau dans le gaz entre Sarkozy et Fillon. Mais il a accepté le rôle ingrat de secrétaire général de l’UMP à la demande du maître.
« En politique, il n’y a que deux sortes d’hommes, ceux qui savent faire et ceux qui ne savent pas faire. Où qu’il passe, à la Santé, au Travail, à l’UMP, XB a toujours laissé les choses en bien meilleur état qu’il ne les a trouvées ». Cette déclaration ne vient pas d’un autre hiérarque de l’UMP mais de Michel Bettan, le fidèle lieutenant, aujourd’hui chez EuroRSCG, pôle santé et dont nous avions consacré une page…
Sauf erreur technique ou parti pris contraire à la dominance des vents, Xavier Bertrand doit rester dans la course aux élections de 2017. Mais l’épine s’appelle le Mediator et les laboratoires Servier. En effet, la responsabilité du Ministre semble particulièrement engagée dans le renouvellement du médicament en 2006 et bien qu’il s’en défende… La stratégie consiste donc à attaquer, tout azimut, afin de générer un épais écran de fumée autour des décisions des différentes agences de santé sous sa coupe depuis son arrivée aux responsabilités. La finalité de ce travail d’aveuglement se concrétise dans la loi sur le médicament définitivement adoptée le 19 décembre 2011 et dont l’objet central porte sur le périmètre des missions de l’ANSM (ancienne AFSSAPS).
Bien que XB ait quelques incertitudes sur les chiffres des victimes du médicament et que les médias s’amusent habilement à rendre spectaculaire le banal, le Ministre de la santé désigne Aquilino Morelle (homme de gauche), responsable de l’IGAS, de conduire une étude ultra rapide. Il ne faut pas perdre de temps et apporter les preuves de la dangerosité du Mediator, même au risque d’écorner un peu de rigueur scientifique et d’aller contre les avis des experts mondiaux. Enfin, utiliser tous les acteurs qui peuvent ou doivent servir la cause « on ne savait pas ! » : le député Bapt, Irène Frachon, les connivences avec EuroRSCG, la puissance de Sanofi, et même le docteur très médiatique Jean-Dominique Flaysakier qui aime, bien que travaillant sur le service public, déclarer son affection pour l’UMP…
Certes, XB affirme qu’il n’était pas au courant, comme d’ailleurs l’ensemble des ministres de la santé depuis la mise sur le marché du Mediator en 1976… On s’interrogera sur cette cruelle amnésie ou ignorance et sur les effets réels ou supposés de ce médicament antidiabétique transformé, à l’usage, en coupe faim ?
Xavier Bertrand ne manque d’ailleurs pas d’air, quand il affirme au Figaro découvrir l’estimation du nombre éventuel de « victimes » le 15 novembre 2010 et l’existence des laboratoires Servier, numéro deux français, ainsi que les conflits d’intérêts entre l’industrie pharmaceutique et les agences de santé… Des chiffres spectaculaires et médiatiques que XB essaie d’expliquer lorsqu’il est entendu à l’Assemblée nationale le 15 février 2011.
XB n’est pas le seul à savoir, il faut le concéder. Aubry, Kouchner aux affaires en 1998 ne savent rien : « Martine Aubry était ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et Bernard Kouchner son secrétaire d'Etat à la Santé. Tous les deux étaient en poste lorsque leur administration se montrait sourde à la mise en garde des trois médecins. Dans le JDD, l'ex-secrétaire d'Etat à la Santé affirme n'avoir jamais été alerté sur le cas du Mediator. Tout comme Martine Aubry: "Je n'ai jamais été au courant. Ni le cabinet de Bernard Kouchner ni Bernard Kouchner n'étaient au courant [...] Je n'ai aucun souvenir d'aucune alerte sur le Mediator." »
« Ignorer, pour un politique, c'est une faute. Un ministre doit être responsable de son administration, quelle qu'elle soit. Il doit donc être au courant. S'il n'est pas au courant, c'est qu'il y a une faille dans la transmission », a déclaré le député UMP Bernard Debré sur Europe 1. On peut y voir aussi une pierre lancée dans le jardin de Xavier Bertrand, encombrant animal politique qui, à l’époque menaçait le pré-carré de Sarkozy ? Il est vrai aussi que la défaite de ce dernier aux présidentielles et son retrait annoncé de la vie politique, laisse la voie libre aux poids lourds de l’UMP, qui, comme les loups, se déchireront après les législatives pour savoir qui sera candidat en 2017. Nul ne doute que XB sera sur les rangs même si ces collègues aiment le haïr
On le voit, politique et santé ne font pas bon ménage car, à l’évidence, les conflits d’intérêts sont nombreux. Intérêts personnels, bien entendu…

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