mardi 18 septembre 2012

Petits scandales entre amis. Chapitre 4 : Copinages pour la rentrée littéraire


Chaque année la rentrée littéraire nous livre au moins 600 romans. Mais les médias et la presse spécialisée ne parlent que d’une dizaine à peine. On peut s’interroger sur cette « sélection ». En même temps les maisons d’édition sortent des objets littéraires non identifiées (OLNI). Petit regard sur les stratégies des critiques et maisons d’édition. 


Qui na pas rêvé d’être le lauréat d’un prix littéraire dès lors qu’on écrit quelques lignes sur un cahier d’écolier ? Qui n’a pas rêvé de faire paraître le premier roman d’un auteur inconnu. Il y eut les Bienveillantes de Littell, puis L’art français de la guerre d’Alexis Jenny, et, cette année Gallimard a son nouveau roman-surprise : La théorie de l’information d’Aurélien Bellanger.
Miracle éditorial ? Chef d’œuvre anonyme ? Rien de tout cela. La stratégie d’une maison comme Gallimard sait trouver les bons relais. Quelques exemples.
La "théorie de l’information", "un récit si puissant qu’il se montre à même d’aimanter l’ensemble des événements majeurs, parfois mineurs, qui scandent l’époque", écrit Libération, le roman le plus innovant de la rentrée littéraire". "Roman choc de la rentrée" pour Technikart. Le Nouvel Obs y consacre une page, Le Monde une seconde page dans le Monde des livres, encore une pleine page dans le JDD, les Inrocks considèrent Bellanger comme le nouveau Houellebecq…
L’objectif des maisons d’édition est bien entendu de viser la plus grande notoriété et les prix littéraires, garantissant un tirage confortable. Un Goncourt ou un Renaudot assurent au moins 100.000 exemplaires. Ce beau tirage permet également aux maisons d’éditions d’imprimer d’autres auteurs marginaux, dont le tirage moyen s’élève à… 500 exemplaires. Mais avoir un ouvrage édité par Gallimard n’a pas de prix. Le roman est devenu un objet marketing.
En France, un succès littéraire débute à 5000 exemplaires vendus. C’est assez peu. Il faut donc développer des méthodes pour que les médias, et surtout ceux qui comptent, c’est-à-dire environ une douzaine de magazines et de médias parisiens, décident de valoriser un roman dans leur classement.
Un ouvrage est désormais retenu par les maisons d’édition pour son potentiel médiatique, en dehors de toute qualité littéraire. C’est dire si l’objet même de nombre de romans édités est basique, voire inintéressant. Mais dès lors qu’un auteur aborde des questions sociétales (!), qu’il se confond dans l’onanisme pervers (comme la Goncourt de l’année dernière), s’il se fond dans la calomnie gratuite, alors les éditeurs sentent le bon coup. S’il s’agit du nième ouvrage d’Amélie Nothomb ou de Marc Levy, banco, c’est sûr, cela se vendra.
Baptiste Liger, critique littéraire chez Technikart, reconnait que la Théorie de l’information possède un "potentiel médiatique" : c'est un "sujet sociétal". Un livre qui "parle du monde d’aujourd’hui".
La réputation des éditeurs joue un rôle central dans la mise en avant de tel ou tel roman. Le processus de sélection, est, à priori, identique pour tout le monde. Les critiques l’affirment : "Gallimard, c'est la maison qui a le meilleur comité de lecture, alors après tout ce filtre, il y a des chances que le livre soit pas mal."
Autre élément à prendre en compte, ce sont bien évidemment les connexions entre un auteur et une maison d’édition. Il sera beaucoup plus facile de faire paraitre un ouvrage si vous connaissez un membre d’un comité de lecture. Il défendra d’autant mieux votre production et placera votre manuscrit en haut de la pile. Vous vous heurtez au complot germanopratin, c’est-à-dire les critiques qui habitent à côté des maisons d’édition et des auteurs, grosso modo, la rive gauche parisienne.
Quant aux émissions radio ou télévision, dans lesquelles d’ailleurs ce sont toujours les mêmes auteurs qui sont invités, autant les oublier si votre éditeur est marginal. Pas suffisamment de poids. Pas assez d’impact marketing. Pas assez de notoriété, puisque dans ce milieu comme tant d’autres, on ne prête qu’aux riches.
Enfin, il ne faut pas oublier le buzz sur Twitter entre journalistes. Ce bouche à oreille compte dans la sélection des médias. Comment en effet lire les 646 livres de la rentrée ? C’est impossible. Alors chaque critique y va de sa méthode. Certains lisent les 90 premières pages et s’arrête. Suffisant. D’autres écrivent des papiers pour faire plaisir à un ou des auteurs  auteur déjà connus. D’autres encore satisfont les désirs de gloire des éditeurs en espérant à leur tour, qu’ils seront édités, (puisque le rêve de tout critique est de publier son propre livre…), mais en respectant un certain panachage pour ne pas donner l’impression d’être affilié à une maison d’édition…
Mais cette Théorie de l’édition sera sans doute infirmée par les auteurs et les critiques littéraires car trop politikement inkorrekt.