jeudi 3 mai 2012

Affaire du Mediator, les hommes de l'ombre. Chapitre 5 : Bernard Debré





Debré : le seul nom raisonne comme une saga française liée au pouvoir de la République. Il suffit de consulter la biographie et la généalogie de Bernard Debré pour s’en convaincre. Tous les Debré ont joué un rôle politique depuis la seconde guerre mondiale. Incontournables et omniprésents pour certains, véritable lobby pour d’autres… On ne touche pas à la famille Debré, on ne touche pas à Bernard Debré, député UMP de Paris et médecin urologue, ancien ministre de la Coopération (1994-1995) dans le gouvernement Balladur, ancien député d’Indre-et-Loire (RPR), vice président de la Fondation Action pour la santé... Bernard Debré vient d’ailleurs de porter plainte contre Odile Plichon, l’auteure du livre noir des médecins stars, et contre son éditeur, Stock, pour diffamation à propos de l’opération de la prostate du président Mitterrand. Bernard Debré est d’ailleurs défendu par Constance Debré, sa nièce, elle-même ancienne conseillère du président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer et ancienne conseillère du Président de la commission des lois, Pierre Mazeaud . On reste en famille…
Il est vrai qu’on touche là au cœur du lobby de la santé, cet étrange Big Pharma, étroitement lié au pouvoir politique et dont les intérêts financiers sont colossaux. Ainsi Xavier Bertrand lui-même, qui n’a de cesse de protéger ses arrières dans l’affaire du Mediator, a offert au mois de janvier 2012 et en toute discrétion, une revalorisation des pensions de retraite de 30% aux professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH), soit 5700€ par mois… De quoi calmer les ardeurs des médecins qui oseraient remettre en question la politique de santé en France et la réforme du médicament, ou tout autre déclaration ou témoignage sur les errements successifs des ministres de la santé de toute période politique, davantage préoccupés de leur parcours politique que de la santé des Français…
Bernard Debré, l’incontournable justement, qui a embrayé la croisade contre les laboratoires Servier à l’issue de sa nomination par le président de la République (janvier 2011), à la tête d’une mission d’information afin « d’assainir la filière du médicament » et bien qu’une mission d’information parlementaire, conduite par le député Gérard Bapt (PS), soit déjà initiée quelques mois plus tôt. Quand on sait les liens qui unissent le député Bapt aux laboratoires GSK, il était évident qu’il fallait limiter l’influence de cette mission parlementaire et en confier une autre à Debré, très pro-français et donc très pro-Sanofi ou très pro-Fabre. Ces derniers laboratoires ayant toujours su le soutenir, surtout à l’occasion de la publication de ses traités d’urologie et parce qu’il est également conseiller du président des laboratoires Pierre Fabre dans le cadre de son association France-Chine…
Bernard Debré qui n’hésite donc pas, en quelques jours, à écumer l’ensemble des médias audiovisuels pour marteler son message : « Oui, il y a eu corruption chez Servier. Oui, les laboratoires Servier sont des criminels ! » et bien qu’il ait assisté à la remise des insignes de Grand croix de la Légion d’honneur à Jacques Servier lui-même. Cela s’appelle un retournement de veste. Les laboratoires Servier ont d’ailleurs porté plainte pour diffamation à l’encontre de Bernard Debré.
Nicolas Sarkozy désigne Debré parce qu’il convient de charger au maximum Servier pour protéger les politiques et les membres des administrations coupables. Cela ferait en effet très désordre que Xavier Bertrand soit condamné pour des erreurs des services dont il était le responsable en tant que ministre de la santé.
Bernard Debré a donc rédigé un rapport, en collaboration avec le professeur Philippe Evin, afin de redresser la situation et de remettre sur pied un système de collaboration entre l’industrie pharmaceutique et les agences sanitaires plus sain. Outre les questions de formation des médecins, aujourd’hui systématiquement financées par les laboratoires pharmaceutiques, outre la publication in-extenso des collaborations entre médecins et laboratoires afin de limiter les conflits d’intérêts, la stratégie du Professeur Debré était claire : limiter la casse politique à quelques mois des élections présidentielles.
Chacun pourra s’interroger sur les multiples scandales étouffés et sur lesquels bien peu d’élus ont pris position ou ont fait connaître leur réprobation : le Vioxx, l’Avandia… Mais pour comprendre la somme de parti pris ou le total mutisme, il convient toujours de voir quels sont les intérêts (politiques, financiers, scientifiques...) qui sont derrière. Et dans l’affaire du Mediator de Servier, nul doute que beaucoup ont intérêt à voir Servier condamné. La vérité est ailleurs mais toujours politkement inkorrekt...

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