vendredi 27 avril 2012
Affaire du Mediator. Les hommes (et les femmes) de l'ombre.
mardi 17 avril 2012
Affaire du Mediator, les hommes de l'ombre. Chapitre 4 : Gérard Bapt
Poursuivons notre démarche "politiquement incorrecte" cette semaine avec le député Gérard Bapt. Ce n'est pas
vraiment un homme de l’ombre tant les médias ont jeté
leurs projecteurs sur le défenseur de la Jeanne d’Arc brestoise, le docteur Irène
Frachon dans l’affaire du Mediator. Tel le héros antique secourant la veuve et
l’orphelin, le député s’est engagé contre les laboratoires Servier et le
Mediator avec une fougue pyrénéenne. Il est pertinent de s’intéresser à lui,
surtout pour le caractère paradoxal de ses déclarations et son attachement à
des cercles de pouvoirs.
Député
socialiste, cardiologue, Gérard Bapt a présidé la mission
d’information sur le Mediator. Un article assez fouillé diffusé sur feu LePost.fr
et signé David Thomas souligne
l’ambivalence des déclarations du député. Ce dernier déclare sur son site
internet « Je
suis persuadé que les conflits d’intérêt ont joué un vrai rôle dans l’affaire
du Mediator » et rajoute qu’ « il est stupéfiant
que l'Etat français tolère toujours des situations portant atteinte à la
crédibilité des jurys attribuant des crédits publics ». Mais on s’étonne
que le cardiologue Bapt n’ait jamais observé ou déclaré une valvulopathie lors
de son exercice de la médecine. Si tel avait été le cas, tout le monde l’aurait
su…
Il faut la pugnacité de quelques
journalistes (il y en a encore) pour découvrir que Gérard Bapt est président fondateur d’un club parlementaire sur
l’économie de la santé, le Club Hippocrate.
Ce club n’est autre qu’un think tank à la française, c’est-à-dire un lieu de
réflexion et de partage, ou autrement dit, une forme nouvelle de lobby. Il est
ainsi évident qu’un tel club est approché par des industriels de la santé qui
s’intéressent également aux questions de fond comme l’inéluctable lutte contre
les dépenses de santé ou la réforme du médicament…
Chaque compte-rendu de réunion du
Club Hippocrate remercie les généreux mécènes de ce club de réflexion, les «
Partenaires Hippocrate » : la Générale de Santé, Malakoff Médéric et GlaxoSmithKline !
Ce club présidé par Gérard Bapt, « chevalier blanc des conflits d’intérêts »,
est donc directement financé par un grand laboratoire pharmaceutique. A ce
propos, le député Bapt s’est pris les pieds dans le tapis de l’interview lorsqu’il tente
d’expliquer que les industries
pharmaceutiques sont des « partenaires ». Nous avons
vu précédemment comment ce « partenariat » se développe en
particulier sous l’égide de Daniel Vial
à l’occasion de l’université de Lourmarin Pharmaceutiques. Simple
coïncidence ?
Peut-être pas. Sur les 11 membres de
la mission d’information sur le Mediator, 8 étaient membres du club : M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre
Door, M. Jean Bardet, Mme Valérie Boyer, M. Jacques Domergue,
M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Touraine, M. Jean-Luc Préel.
Parmi les membres du Club Hippocrate
figuraient également Bernard Debré, également mandaté par le Président de la
République pour rédiger un rapport sur l’affaire Mediator avec l’aide de
Philippe Even. Enfin 6 parlementaires impliqués dans la mission commune
d'information "Mediator :
évaluation et contrôle des médicaments" du Sénat faisaient également
partie de ce club financé par GSK. Les 3
personnes présentées comme « présidentes du Club
Hippocrate » étaient toutes impliquées
dans ces deux commissions parlementaires : Gérard Bapt, Jean-Pierre Door
et Alain Vasselle.
Le site internet du Club Hippocrate www.club-hippocrate.fr,
(aujourd’hui étrangement inaccessible) évoquait également un
« déjeuner Hippocrate » qui s’était
tenu le mercredi 20 octobre 2011 au restaurant « Chez Françoise » sur
le thème : « Santé et
développement : traiter les maladies ou soigner les systèmes ? ».
Y fut invité comme orateur Monsieur Hervé Gisserot, président directeur général
de GlaxoSmithKline France…
L’agitation de Gérard Bapt
n’aurait-elle pas pour objectif inavoué de détourner l’attention du public de
médicaments nettement plus meurtriers ? On aime entendre le député Bapt parler
du scandale de l’Avandia de chez GSK et largement minorer les effets
destructeurs de ce médicament…
Les médias sont restés étonnement
silencieux sur l’antidiabétique phare de GlaxoSmithKline, l’Avandia, retiré du
marché en Europe en toute discrétion il y a quelques mois, et suspecté par les
autorités américaines d’avoir causé aux Etats-Unis 83 000
infarctus entre 1999 et 2007. Avec ses 500 à 2000 possibles morts en 30
ans, le Mediator fait office de pâle challenger... Une commission parlementaire
verra-t-elle également le jour pour auditionner les dirigeants de
GlaxoSmithKline ?
Le député Bapt n’en reste pas là.
Sans doute poursuivant une quête personnelle (hum…) il s’en prend
systématiquement aux médicaments des laboratoires Servier, comme le Protelos.
Il trouve un appui utile en la personne du patron de l’AFSSAPS, le professeur
Dominique Maraninchi qui adressait une lettre de mise en garde aux
professionnels de santé le 7 octobre 2011. Cette mise en garde fut infirmée par
l’EMA
qui, néanmoins, renouvelait des précautions d’emploi. La répétition
d’accusations relatives au Protelos poussa Servier à
porter plainte contre le député.
Enfin,
cerise sur le gâteau, le « génie » du député Bapt fut « de faire
sortir le nombre de morts», dit Irène
Frachon à propos du Mediator. Si on veut… Mais il faut aussi préciser que Bapt
et Frachon appartiennent tous les deux à la HSP, la Haute Société Protestante
(tout comme Xavier Bertrand, ministre de la Santé…) et qu’ils sont même cités
en exemple le 27 mars 2011 lors de la prédication
de Stéphane Rémy au temple du Salin à Toulouse. Les relations ont du
être grandement facilitées…
En somme,
derrière des velléités de chevalier blanc, le député Bapt n’est pas si innocent
que l’on voudrait nous le faire croire et ses relations avec les milieux de
pouvoir, bien ancrées.
Prochain
chapitre : Bernard Debré
samedi 7 avril 2012
Affaire du Mediator, les hommes de l'ombre. Chapitre 3 : Daniel Vial
Dès que le mot
lobbying est évoqué en France, beaucoup d’hommes politiques éprouvent de la
répulsion, voire de la défiance. Il faut cependant regarder l’excellent
documentaire consacré aux lobbys au
cœur de la République pour
se convaincre que, derrière les cris d’orfraie, le pouvoir, au sens large,
s’accommode très bien des réseaux en tout genres. Depuis la seconde guerre
mondiale et le régime de Vichy qui avait réinstauré le système des
corporations, l’influence (version communicante), le lobbying (version
anglo-saxonne) ou les relations publiques (version hypocrite), n’ont cessé de
croitre en France. Certes moins qu’aux Etats-Unis, où le lobbying y est
installé constitutionnellement.
Rappelons que le lobbying consiste à
peser sur le législateur afin de modifier, améliorer, promulguer une loi ou un
décret qui sert les intérêts d’une profession ou d’une entreprise. Chacun comprend
aussitôt, qu’à côté des lobbys du tabac, des alcools, des constructeurs
automobiles, de l’armement, les stratégies d’influence se développent afin de
garantir et de préserver les intérêts d’un groupe ou d’une marque.
Dans notre bon pays, l’industrie de la santé et du médicament n’échappe pas à la règle, tant les intérêts financiers sont colossaux. Daniel Vial incarne, à lui seul, cette volonté de relier le pouvoir politique à l’industrie pharmaceutique. Sa biographie est disponible sur internet mais notons, que, dès le début de sa carrière, il sert au service communication du Ministère de la Santé et des Affaires Sociales après avoir assidument fréquenté Amnesty International. Il contribue à la création du Quotidien du Médecin en 1971. Il rejoint en 1985 le Groupe Expand, où il est responsable du département relations publiques. En 1996 il crée la fondation Bayer Santé puis la Fondation Glaxo en 1997. Il est décoré de la Légion d’honneur en 2002 sous l’ère Chirac.
Daniel Vial préside le Groupe PR, société holding de PR International, PR Éditions et PMS qui est une société d’information médicale. PR Éditions est la société éditrice du magazine Pharmaceutiques lancé en 1991. Les activités Internet de PR Éditions sont significatives et font de PR Éditions le leader en France dans ce domaine.
Néanmoins, c’est en 2004 que PR Editions vend Pharmaceutiques à IMS Health, leader mondial des bases de données sur le médicament. IMS devient ainsi responsable d’un support de presse influent ce qui lui donne accès aux Universités d’été de Lourmarin, lieu privilégié où se précipite « le gotha du monde pharmaceutique pour, une journée et demi durant, échanger avec ceux qui, au sein des institutions en charge du médicament, font la pluie et le beau temps. Les thèmes soigneusement choisis par le maître de séance et fondateur de la formule – Daniel Vial -, en amont de la manifestation et en concertation avec des représentants de la branche comme des autorités de santé, doivent moins à l’actualité – même s’ils s’efforcent d’y coller au plus près – qu’à la volonté de placer des intervenants clés et très « VIP » dans la branche à la tribune. Cette plateforme d’échanges entre industriels du médicament – les prestataires autrefois sponsors de la manifestation ont été interdits d’accès par IMS -, politiques de tous bords et décideurs des institutions en charge de la pharma a ainsi permis 14 années durant de consolider des liens entre les uns et les autres de manière plus informelle et conviviale. Une fois leur journée et demi de travaux achevés, quelques privilégiés, triés sur le volet, ont accès à la demeure privée du maître de cérémonie, qui se situe à proximité de la commune de Lourmarin. »[1]
Vial sait nouer et dénouer les liens entre les sphères influentes. Lourmarin où Kouchner, Bachelot, Evin, Bertrand aiment se retrouver à l’ombre des pins parasols pour discuter avec les dirigeants de Sanofi, GSK, Roche, Merck, Abbott… de l’avenir de la santé et du médicament en France.
Vial arpente ainsi les allées du pouvoir et les sièges des grands groupes pharmaceutiques. On le retrouve à côté de Chris Viehbacher, le directeur général de Sanofi car il lui sert de passe-partout lors de l’installation du grand patron en France. Ils avaient créé ensemble la Fondation Glaxo, présidée par Michèle Barzach, ancienne ministre de la santé et le LIR, le think tank Innovation Santé, caisse de résonnance des laboratoires étrangers en France.
En 2010, Vial, désormais conseiller technique de Sanofi lance une fondation pour la lutte contre la contrefaçon de médicaments avec, à sa tête, l’inoxydable Bernard Kouchner rémunéré 250.000€ pour une improbable journée de travail par semaine…
Aujourd’hui le nom de Daniel Vial circule tant au niveau des laboratoires qu’au niveau des cabinets et des agences en stratégie de communication comme étant la personne aux commandes de l'opération "Mediator" pour une éventuelle acquisition du groupe Servier par le numéro 1 français de la pharmacie, Sanofi. Mais de façon inexplicable, Daniel Vial ne sera jamais entendu par la commission du Sénat chargée de comprendre cette affaire Mediator et ce, malgré les demandes répétées de Marie-Thérèse Hermange, rapporteur de la commission.
Il semblerait que désormais, Daniel Vial se fasse plus discret. Après les scandales portant sur plusieurs médicaments, Avandia, Requip, Mediator, les politiques voient d’un assez mauvais œil les compromissions antérieures les rattraper, surtout en période électorale. Car la question des « conflits d’intérêts » est désormais récurrente. A ce titre, IMS Santé a décidé de mettre un terme aux universités de Lourmarin. Cela commençait à faire désordre de voir cette proximité santé-politique en plein scandale du Mediator et autres prothèses PIP. Ces universités Pharmaceutiques devraient été déplacées au mois de décembre, dans un style moins people, plus près de Paris, c’est-à-dire plus près des sièges sociaux et des ministères…
Prochain chapitre : le député Gérard Bapt
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