samedi 7 avril 2012

Affaire du Mediator, les hommes de l'ombre. Chapitre 3 : Daniel Vial





 
Dès que le mot lobbying est évoqué en France, beaucoup d’hommes politiques éprouvent de la répulsion, voire de la défiance. Il faut cependant regarder l’excellent documentaire consacré aux lobbys au cœur de la République pour se convaincre que, derrière les cris d’orfraie, le pouvoir, au sens large, s’accommode très bien des réseaux en tout genres. Depuis la seconde guerre mondiale et le régime de Vichy qui avait réinstauré le système des corporations, l’influence (version communicante), le lobbying (version anglo-saxonne) ou les relations publiques (version hypocrite), n’ont cessé de croitre en France. Certes moins qu’aux Etats-Unis, où le lobbying y est installé constitutionnellement. 
Rappelons que le lobbying consiste à peser sur le législateur afin de modifier, améliorer, promulguer une loi ou un décret qui sert les intérêts d’une profession ou d’une entreprise. Chacun comprend aussitôt, qu’à côté des lobbys du tabac, des alcools, des constructeurs automobiles, de l’armement, les stratégies d’influence se développent afin de garantir et de préserver les intérêts d’un groupe ou d’une marque.

Dans notre bon pays, l’industrie de la santé et du médicament n’échappe pas à la règle, tant les intérêts financiers sont colossaux. Daniel Vial incarne, à lui seul, cette volonté de relier le pouvoir politique à l’industrie pharmaceutique. Sa biographie est disponible sur internet mais notons, que, dès le début de sa carrière, il sert au service communication du Ministère de la Santé et des Affaires Sociales après avoir assidument fréquenté Amnesty International. Il contribue à la création du Quotidien du Médecin en 1971. Il rejoint en 1985 le Groupe Expand, où il est responsable du département relations publiques. En 1996 il crée la fondation Bayer Santé puis la Fondation Glaxo en 1997. Il est décoré de la Légion d’honneur en 2002 sous l’ère Chirac.  

Daniel Vial préside le Groupe PR, société holding de PR International, PR Éditions et PMS qui est une société d’information médicale. PR Éditions est la société éditrice du magazine Pharmaceutiques lancé en 1991. Les activités Internet de PR Éditions sont significatives et font de PR Éditions le leader en France dans ce domaine. 

Néanmoins, c’est en 2004 que PR Editions vend Pharmaceutiques à IMS Health, leader mondial des bases de données sur le médicament. IMS devient ainsi responsable d’un support de presse influent ce qui lui donne accès aux Universités d’été de Lourmarin, lieu privilégié où se précipite « le gotha du monde pharmaceutique pour, une journée et demi durant, échanger avec ceux qui, au sein des institutions en charge du médicament, font la pluie et le beau temps. Les thèmes soigneusement choisis par le maître de séance et fondateur de la formule – Daniel Vial -, en amont de la manifestation et en concertation avec des représentants de la branche comme des autorités de santé, doivent moins à l’actualité – même s’ils s’efforcent d’y coller au plus près – qu’à la volonté de placer des intervenants clés et très « VIP » dans la branche à la tribune. Cette plateforme d’échanges entre industriels du médicament – les prestataires autrefois sponsors de la manifestation ont été interdits d’accès par IMS -, politiques de tous bords et décideurs des institutions en charge de la pharma a ainsi permis 14 années durant de consolider des liens entre les uns et les autres de manière plus informelle et conviviale. Une fois leur journée et demi de travaux achevés, quelques privilégiés, triés sur le volet, ont accès à la demeure privée du maître de cérémonie, qui se situe à proximité de la commune de Lourmarin. »[1] 

Vial sait nouer et dénouer les liens entre les sphères influentes. Lourmarin où Kouchner, Bachelot, Evin, Bertrand aiment se retrouver à l’ombre des pins parasols pour discuter avec les dirigeants de Sanofi, GSK, Roche, Merck, Abbott… de l’avenir de la santé et du médicament en France.

Vial arpente ainsi les allées du pouvoir et les sièges des grands groupes pharmaceutiques. On le retrouve à côté de Chris Viehbacher, le directeur général de Sanofi car il lui sert de passe-partout lors de l’installation du grand patron en France. Ils avaient créé ensemble la Fondation Glaxo, présidée par Michèle Barzach, ancienne ministre de la santé et le LIR, le think tank Innovation Santé, caisse de résonnance des laboratoires étrangers en France.

En 2010, Vial, désormais conseiller technique de Sanofi lance une fondation pour la lutte contre la contrefaçon de médicaments avec, à sa tête, l’inoxydable Bernard Kouchner rémunéré 250.000€ pour une improbable journée de travail par semaine…

Aujourd’hui le nom de Daniel Vial circule tant au niveau des laboratoires qu’au niveau des cabinets et des agences en stratégie de communication comme étant la personne aux commandes de l'opération "Mediator" pour une éventuelle acquisition du groupe Servier par le numéro 1 français de la pharmacie, Sanofi. Mais de façon inexplicable, Daniel Vial ne sera jamais entendu par la commission du Sénat chargée de comprendre cette affaire Mediator et ce, malgré les demandes répétées de Marie-Thérèse Hermange, rapporteur de la commission.

Il semblerait que désormais, Daniel Vial se fasse plus discret. Après les scandales portant sur plusieurs médicaments, Avandia, Requip, Mediator, les politiques voient d’un assez mauvais œil les compromissions antérieures les rattraper, surtout en période électorale. Car la question des « conflits d’intérêts » est désormais récurrente. A ce titre, IMS Santé a décidé de mettre un terme aux universités de Lourmarin. Cela commençait à faire désordre de voir cette proximité santé-politique en plein scandale du Mediator et autres prothèses PIP. Ces universités Pharmaceutiques devraient été déplacées au mois de décembre, dans un style moins people, plus près de Paris, c’est-à-dire plus près des sièges sociaux et des ministères…

Prochain chapitre : le député Gérard Bapt

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